Année de sortie : 2023
Durée : 1h56
Genre : Historique, drame, romance
Réalisé par : MAÏWENN
Casting : MAÏWENN, Johnny DEPP, Benjamin LAVERNHE, Pierre RICHARD, Melvil POUPAUD, Pascal GREGORY, India HAIR, Suzanne DE BAECQUE, Capucine VALMARY, Diego LE FUR, Pauline POLLMANN, Thibault BONENFANT
Synopsis : L'ascension sociale de Jeanne Vaubernier, jeune fille sans naissance, qui parviendra à se faire présenter au Roi Louis XV par l'entremise du Duc de Richelieu et de son amant le Comte du Barry. Très vite, le souverain va s'enticher de cette jeune femme rafraîchissante et en faire sa favorite, bravant ainsi le scandale au sein d'une Cour poussiéreuse qui ne peut souffrir cette fille des rues.
Bref : Le grand retour de MAÏWENN à la réalisation est un succès. Un beau film, qui mérite d'entrer dans le genre cinématographique historique par la grande porte (celle du Festival de Cannes) !
L'idée de ce film est apparue comme une évidence à MAÏWENN lorsqu'elle a visionné le Marie-Antoinette de Sophia COPPOLA en 2006. S'en sont suivi de nombreuses années de recherches et d'écriture, régulièrement interrompues par d'autres projets. Ce qui n'est pas plus mal, car c'est ce qu'il a fallu pour que le projet arrive à maturité, tout comme son instigatrice, de son propre aveu.
C'est un film sur lequel on retrouve une nouvelle fois la réalisatrice non seulement au scénario, mais aussi devant la caméra. Fidèle à son style, ici encore, c'est la réalisatrice MAÏWENN qui filme l'actrice MAÏWENN.
À la différence du Bal des actrices, où elle tient son propre rôle, ou de Polisse (Prix du jury au Festival de Cannes 2011), MAÏWENN ne tient pas le rôle d'une observatrice qui va étudier de près et filmer un microcosme pour en rendre compte. Après avoir expérimenté l'incarnation de personnage dans ADN, l'actrice MAÏWENN renouvelle l'expérience, avec un personnage qui lui tient particulièrement à cœur : celui de Jeanne du Barry, dernière favorite du Roi Louis XV.
Dans Jeanne du Barry, MAÏWENN s'est littéralement glissée dans le rôle. Elle est parvenue à enfiler le costume pour incarner remarquablement l'une des favorites les plus décriée de la royauté et arrive même à en redorer le blason.
Loin de l'exubérance vulgaire que lui avait prêté l'actrice Asia ARGENTO dans le Marie-Antoinette de Sophia COPPOLA, MAÏWENN en livre une tout autre interprétation.
Sa vision semble d'ailleurs beaucoup plus proche de la réalité historique. Sa Jeanne du Barry est éduquée et cultivée, intelligente et maligne. Elle est déterminée à monter les barreaux de l'échelle sociale et sait reconnaître et saisir les opportunités qui se présentent à elle.
Sa curiosité et sa capacité d'adaptation lui permettront d'apprendre rapidement les codes pour mieux en jouer et cultiver un style provocant à la fois relativement subtil, mais toujours scandaleux pour l'époque. Cette Jeanne du Barry est une fine psychologue qui décrypte admirablement la nature humaine, pour mieux se hisser et naviguer dans les méandres et les règles ultra-codifiées de la Cour de France.
On sent très clairement que MAÏWENN a mis beaucoup d'elle-même dans son personnage et lui a apporté la profondeur qui manquait cruellement à celle portée par Asia ARGENTO.
Le choix de la réalisatrice d'un scénario simple à la narration chronologique, facilite la compréhension du spectateur et lui donne une vision globale de la vie de la favorite. Même si la réalisatrice se défend d'avoir fait un documentaire, ce biopic est assez précis quant aux événements qui ont jalonné la vie de Jeanne du Barry.
Cette simplicité se ressent également d'un point de vue plus technique. En apparence seulement, car si l'on s'arrête sur quelques séquences, les plus cinéphiles reconnaîtront l'influence et les références à l'œuvre du grand Stanley KUBRICK, qui s'était également essayé au film historique avec son Barry Lyndon.
On retrouve des plans simples, dont le cadrage et la photographie se mettent au service des panoramas (que ce soit de la campagne ou du Château de VERSAILLES) ou encore des plans généraux qui permettent d'apprécier les magnifiques décors réels (en majorité) et, en pied, les acteurs et figurants dans leurs splendides costumes. Ce sont surtout les travelings avant et arrière qui servent toute la symbolique de l'ascension et de la disgrâce qu'a vécu la favorite. Une technique, chère au grand réalisateur, dont MAÏWENN s'est largement inspirée, offrant ainsi aux spectateurs une image à l'esthétisme épuré et sublime (grâce à l'utilisation d'une pellicule de 35 mm), agrémentée d'une musique lyrique tantôt discrète, tantôt grandiose.
La réalisatrice a également joué les funambules dans son film. Car, que MAÏWENN, réalisatrice, fasse un film centré sur le personnage de Jeanne du Barry, interprétée par l'actrice MAÏWENN, on pourrait penser que cela laisse peu de place au reste de la distribution. C'est la bonne surprise du film, car ce défi est largement relevé. Certes, l'actrice s'affiche dans la grande majorité des plans, mais la réalisatrice a su faire la part belle au reste des protagonistes.
Ainsi, les galants qui ont chacun participé à l'ascension de Jeanne, sont mis en valeur pour leur contribution, à la manière de Pierre RICHARD, excellent Duc de Richelieu, ou Melvil POUPAUD, presque machiavélique Comte du Barry. Les filles du Roi, respectivement interprétées par India HAIR (Adélaïde), Suzanna DE BAECQUE (Victoire) et Capucine VALMARY (Louise), sont telles que les livres d'Histoire nous les figurent : des jeunes femmes pourries gâtée, usant et abusant de leur petit pouvoir, aux idées aussi courtes que reçues.
La présence de la star américaine Johnny DEPP, qui avait fait couler beaucoup d'encre avant la sortie du film, est presque anecdotique. La réalisatrice a su utiliser subtilement l'âge avancé du Roi Louis XV, lors de sa rencontre avec Jeanne, pour ne pas lui infliger trop de dialogue, la star parlant bien le français, mais pas suffisamment pour faire totalement illusion. Cependant, il faut reconnaître que la prestance et le charisme de l'acteur lui permettent de s'en passer : une attitude royale ou un regard noir lui suffisent pour provoquer le scandale, la contrition ou l'affolement au sein de la Cour.
La prestation qui mérite le plus d'éloge, pour autant, est celle de Benjamin LAVERNHE, qui campe un La Borde plus vrai que nature. Premier valet du Roi, il sera son plus fidèle serviteur. Le comédien oscille parfaitement entre l'intermédiaire discret, le dépositaire des secrets royaux, en passant par le maître du ballet des maîtresses royales. Il enseignera les codes, les us et coutumes de la Cour de France et saura guider et soutenir la nouvelle favorite au sein du plus prestigieux des paniers de crabes.
Le seul bémol que l'on peut soulever concernant Jeanne du Barry, c'est son rythme volontairement lent. Parfois même trop lent. À sa décharge, c'est le lot de presque tous les films du genre (Barry Lyndon, Marie-Antoinette, Louis XV le soleil noir, L'échange des princesses, La princesse de Montpensier, etc.). Car, rares sont ceux qui sont parvenus à mettre un peu de sel dans le rythme de l'Histoire (Beaumarchais, La Reine Margot, Les Trois Mousquetaires : d'Artagnan, etc).
Au final : MAÏWENN s'essaye au genre historique et cela lui va plutôt bien. Un film bien pensé, bien réalisé et bien joué. En plus, c'est un film éducatif, sans aller jusqu'à le comparer à un épisode de Secret d'Histoire, mais qui permet d'en apprendre un peu plus sur la favorite en titre de la fin du règne de Louis XV. À voir !
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