Année de sortie : 2024
Durée : 2h00
Genre : Biopic, Drame,
Réalisé par : Ali ABBASI
Casting : Sebastian STAN, Jeremy STRONG, Maria BAKALOVA, Martin DONOVAN, Catherine McNALLY, Charlie CARRICK, Ben SULLIVAN, Mark RENDALL
Synopsis : Comment le 45ᵉ Président des États-Unis a-t-il débuté ? L'histoire retrace l'ascension d'un gars du Queens vers les sommets des affaires, et même plus encore. Donald J. TRUMP, où la réalité d'un pacte avec le diable, et comment l'apprenti du monstre a dépassé le maître.
Bref : Très réussi, tant par ses qualités techniques que par son réalisme objectif des faits présentés ! Tellement bien fait, que l'on sort du visionnage écœuré par l'histoire autant que par le personnage. Indispensable, vu l'actualité !
Donald J. TRUMP est un personnage en soi. Jamais avare de se mettre en scène, l'homme, actuellement politique, est toujours dans la provocation et dans l'outrance. C'est une sorte de marque de fabrique. Face l'actualité des prochaines élections présidentielles américaines de novembre 2024, à laquelle il est candidat, le réalisateur, Ali ABBASI, s'est posé une question simple : comment en est-on arrivé là ?
Il décide d'y répondre avec ce film, sans concession et surtout sans filtre. D'ailleurs, ce qui renforce la réalité de ce qui y est présenté, ce sont les menaces de procès des avocats de TRUMP, qui ont rendu difficile une distribution du film aux ÉTATS-UNIS. Tourné à la manière d'une télé-réalité catapultée dans les années 70/80, le réalisateur nous embarque aux origines de ce qui est aujourd'hui Donald J. TRUMP.
Le film, présenté au festival de CANNES, ne se revendique pas comme étant un biopic, comme l'indique le message en début de film, selon lequel certains personnages et situations ont été romancés pour les besoins de la trame narrative du film. Cependant, même s'il ne retrace pas non plus l'intégralité de la vie du politicien, les événements présentés sont, en grande partie, bien réels. Le film se concentre surtout sur ses années formatrices et en particulier le moment où Donald TRUMP, incarné de façon stupéfiante par Sebastian STAN, a rencontré celui qui allait devenir son mentor, Roy COHN, campé, lui, par le formidable Jeremy STRONG.
Bien que Jeremy STRONG se soit glissé sans problème dans la peau de l'avocat véreux, Roy COHN, sans doute grâce à sa performance remarquée dans la série Succession, c'est celle de STAN qui impressionne le plus. Le travail de l'acteur pour incarner le personnage est remarquable. De ses expressions faciales, aux mimiques caractéristiques, à son phrasé, ses tics de langage, en passant par sa gestuelle (remettre sa mèche de cheveux en permanence) et à sa posture, jusqu'à son culot, tout en lui rappelle l'original.
Le réalisateur parvient à replacer le spectateur dans le contexte, de la fin des années 70 jusqu'aux années 80, en mêlant des images tournées avec un format d'image standard américain (en 16 mm pour les années 70 et en 1,85 VHS pour les années 80) et un grain de pellicule visible, sur un montage assez saccadé, comme à l'époque. On retrouve, par les décors, les voitures et les costumes de ces décennies, un New York aussi touché que le reste du monde par les crises (logement, emploi, finances…).
C'est à ce moment, à la fin des années 70, qu'un ambitieux gars du Queens, le jeune Donald J. TRUMP, plein d'aplomb, mais bridé par l'écrasante poigne de son père et patron, va faire la connaissance de l'avocat le plus véreux, mais aussi le plus redouté, de la ville, Roy COHN. Ce dernier va très vite prendre conscience du potentiel de TRUMP, et décide de le modeler à son image.
Donald J. TRUMP, va effectivement devenir l'apprenti de Roy COHN, d'où le titre du film. Ce titre renvoie également à l'émission de télé-réalité qui a fait connaître Donald TRUMP a un plus large public (The Apprentice), où il va mettre en pratique les règles de son mentor. Règle n°1 : attaquer, attaquer, attaquer. Règle n°2 : nier, toujours nier. Règle n°3 : peu importe à quel point vous avez échoué, toujours revendiquer la victoire.
Comme l'ont confirmé beaucoup d'éditorialistes spécialisés dans la vie politique américaine, ce film est glaçant de réalisme. Écrit par Gabriel SHERMAN, ancien journaliste politique du New York Magazine ayant souvent rencontré Donald TRUMP, le scénario, décortique savamment la manière dont il a gravi les marches du succès et de la réussite, quel qu'en soit le prix et les moyens. Tout est bon : corruption, chantage, mensonge, esbroufe, bluff, violence, harcèlement, etc., le tout en essayant de garder au maximum les mains propres.
Le film montre aussi la réalité et la psychologie du personnage. Il évoque sa misogynie et sa conception des femmes : objets jetables ou sexuels, dans tous les cas "faire-valoir", dont il se débarrasse dès qu'elles lui font de l'ombre (principe valable également pour toutes ses connaissances). Le réalisateur est allé jusqu'à insérer une scène de viol conjugal (très choquante), très clairement inspirée de la scène, presque identique, entre Marlon BRANDO et Maria SCHNEIDER, dans le très controversé Le Dernier Tango à Paris de Bernardo BERTOLLICI (1972). Les pratiques en pleine évolution dans le monde du cinéma, on peut espérer que, cette fois-ci, l'actrice était au courant de la scène et volontaire pour la tourner.
Le caractère œdipien de cette attitude envers les femmes ressort de façon criante, de la même manière que son égo surdimensionné renvoi à l'attitude rude, cruelle et méprisante de son père. C'est donc, en tout logique, qu'il va chercher une figure à laquelle se raccrocher, en la personne de Roy COHN, qui va lui accorder une certaine considération et lui inculquer l'estime de soi. Figure paternelle, mentor, enseignant et garde-fou, l'avocat lui apprendra les ficelles pour naviguer dans le monde des affaires et au-delà.
Toutes les leçons, toutes les règles enseignées par Roy COHN, il les applique implacablement, les faisant siennes, en pire. Car, l'élève a dépassé le maitre. L'apprenti est devenu une créature monstrueuse que même son créateur n'a plus été en mesure de contrôler. Le film revient, entre autres, sur l'ingratitude de celui qui mord la main qui lui a tout appris, le mépris pour sa famille (qu'il a failli ruiner), mais surtout une mégalomanie prégnante menant à tous les excès (drogue, mensonges, affaires douteuses…).
Reste qu'il ressort que ce personnage est, en réalité, une coquille vide, un moulin à vent, sans réelles compétences ni matière, ayant pour seul atout un bagout à toute épreuve et une absence significative de toute décence. Pourtant, Donald TRUMP a réussi à se hisser à la fonction suprême, ce qui fait voir autrement le concept même du rêve américain.
Au final : Très bon film qui retrace la montée d'une figure majeure de la vie politique américaine (et mondiale). Bien fait, il rejoint les excellents Vice (Adam McKAY_2018), W : l'improbable Président (Oliver STONE_2008), J. Edgar (Clint EASTWOOD_2011), Nixon (Oliver STONE_1996), comme autant d'exemples de réalités qui ont transcendé la fiction.
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